L'Efsa a publié le 11 décembre trois opinions scientifiques sur les maïs OGM MON810 et Bt11 (1) . Il s'agit d'une réactualisation et d'un complément d'un premier avis publié en mai dernier, à la demande de la Commission européenne, sur les arguments mis en avant par la France pour justifier la mise en place d'une clause de sauvegarde sur le maïs MON810.
La France pointait alors du doigt, dans une note (2) à la Commission, le fait que l'examen du renouvellement de l'autorisation du MON810 avait été fait à la lumière des anciennes lignes directrices sur l'évaluation environnementale des OGM, alors que de nouvelles études scientifiques ainsi qu'un avis postérieur de l'Efsa sur la maïs Bt11 remettaient en question les conclusions de l'Efsa sur le MON810.
Vers une décision de la Commission sur le moratoire français ?
La Commission ne s'est pas encore prononcée sur la validité de la clause de sauvegarde française, attendant un accord entre les Etats membres sur l'adoption de nouvelles règles pour la mise en culture des OGM. Or, depuis deux ans, les Etats sont divisés.
Ces avis de l'Efsa sont publiés à quelques jours des Conseils Environnement et Agriculture, qui réunissent les 17, 18 et 19 décembre à Bruxelles les ministres européens concernés.
Vont-ils être mis sur la table pour faire avancer le débat, même si les OGM n'apparaissent pas à l'ordre du jour ?
"Des mesures d'atténuation des risques peuvent être nécessaires"
Les deux premiers avis indiquent que, dans les nouvelles publications scientifiques étudiées, l'Efsa n'a pas identifié d'informations remettant en cause ses précédentes conclusions et recommandations sur le maïs MON810 (3) et sur le Bt11 (4) .
Le troisième avis (5) est beaucoup plus détaillé. Il porte sur le modèle mathématique utilisé dans l'évaluation des risques environnementaux du maïs Bt11. Ce modèle est utilisé pour évaluer les impacts d'une exposition au pollen des espèces non-cibles, comme les papillons, les mites, et estimer l'efficacité de certaines mesures d'atténuation.
La Commission européenne a demandé à l'Efsa d'étudier de nouvelles hypothèses, afin d'enrichir son avis de 2011 sur le Bt11. "Le groupe OGM de l'EFSA a conclu que des mesures d'atténuation des risques peuvent être nécessaires dans des conditions spécifiques (en fonction, par exemple, de la sensibilité et de la présence de lépidoptères, de la superficie cultivée de maïs Bt, de la densité de la plante-hôte) afin de réduire l'exposition des lépidoptères très sensibles au pollen du maïs Bt11". L'Efsa précise que ces conclusions sont également applicables au MON810.
Ainsi, indique l'agence, selon le niveau d'exposition au pollen du maïs Bt11, il y a un danger potentiel pour les larves de lépidoptères présentes sur des plantes-hôtes présentes à proximité d'une culture de maïs MON810 et Bt11. "Cependant, une évaluation des risques doit déterminer la distance de la source la plus proche de pollen de maïs Bt et leur exposition, ainsi que l'état phytosanitaire de l'espèce concernée".
Surveiller l'apparition de résistances
L'Efsa a comparé plusieurs mesures d'atténuation pour les espèces non-cibles et que la mise en place de bandes de plantes-hôtes en bordures des champs peut permettre de réduire leur mortalité.
Concernant, les espèces vivant dans des habitats protégés, la distance d'isolement exigée autour des habitats doit être proportionnelles à la sensibilité de l'espèce locale ainsi qu'au niveau d'expression de la protéine Cry1 dans le pollen Bt. Dans le cas des maïs Bt11 et MON810, l'Efsa estime qu'une distance d'isolement "conservatrice" de 20m est suffisante pour limiter la mortalité locale d'espèces non-cibles, même très sensibles.
Si un risque de développement local de résistances existe chez les espèces non-cibles, celui-ci est "nettement inférieur" à celui des parasites visés et donc prendre des mesures de routine ne serait pas proportionné. En revanche, l'agence préconise d'utiliser la surveillance générale pour communiquer des informations sur l'observation d'effets inattendus. De plus, les rapports de surveillance des services régionaux d'inspection des végétaux devraient permettre de déclencher des enquêtes ultérieures.
L'Efsa demande aux demandeurs d'autorisation d'inclure ces nouveaux points de vigilance dans leurs plans de surveillance environnementale consécutive à la mise sur le marché (PMEM (6) ). Ces plans détaillent comment sera surveillée l'apparition éventuelle d'effets néfastes sur l'environnement et peut pointer du doigt certains risques potentiels à surveiller de près.
Pour des mesures de gestion "proportionnées" aux risques
En conclusion, l'Efsa rappelle ses lignes directrices concernant la gestion des risques : les mesures de gestion et de réduction des risques "doivent être proportionnées au niveau de risque identifié selon les objectifs de protection fixés dans chaque région".